Wild Shores, Optophonia (OS.025)
12,00€
Le trio Wild Shores, injustement méconnu du grand public, ne pouvait guère trouver de meilleur label que celui de Pierre Belouin nommé Optical Sound.
En effet, les compositions du trio français sont éminemment audiovisuelles, leur musique s’accompagnant toujours sur scène d’images et de films divers étayant leurs concepts parfois un poil hermétiques.
Cela n’empêche pas Wild Shores de concocter des disques se passant fort bien de l’image imposée, car notamment avec Optophonia, ils ordonnent un univers poétique, personnel et émouvant parfait pour qui aime réver éveillé.
Les Textes Tunisiens dits et ecrits par Marc Henri Lamande sont tous
simplement magnifiques et hantent l’electronique déjà pourtant fort habitée de wild shores.
On notera les participations de Servovalve mais aussi de Sigmoon (ex Von Magnet) sur un de leurs plus beaux titres « Matangi »
yannick blay
Description
1- / Optophonia / 28’05.
« Les textes Tunisiens » écrits et lus par Marc – Henri Lamande
Enregistrement live – Limoges 2007 – Def
instrument génératif – SEMUTA © Servovalve
(écouter une version live / listen to a live version)
2- /Drop-Circle / 08’18
Fontbonne / Paris 2007
3- / Sonic Corridor 01 / 08’17
Instrument génératif – LE MARTELEUR © Servovalve
Lyrics : Richard Alpert
Paris 2006
4- /Matangi / 04’18
Composition pour « Game Alone Synthesis »- Sigmoon / FCER.net
5- /Sonic Corridor 04 / 08’07
Improvisation granulaire – Paris 2006
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+Bonus CD-Rom Audiorama – Drop Circle
Deep in Slide ©Servovalve (MAC OS X – PC)
Wildshores are : Evelyne Hebey ~ Fred Nouveau ~ Marc Roques
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Mastering Norscq
Design lwisho
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Wild Shores
Optophonia
Optical Sound
www.opticalsound.com www.wildshores.free.fr
On a peut-être trop considéré les trois musiciens de Wild Shores principalement comme un groupe de scène, de performance artistique sachant allier une pop électro élégante, sensuelle, à la délicate hypnose du travail vidéo qu’ils accompagnent ou par lequel ils sont accompagnés – Servovalve étant le collaborateur le plus fréquent. Alors, la musique de Wild Shores s’enfuit, avec uniquement deux albums jusqu’à maintenant, fort dissemblables. Un premier CD proche de l’esthétique dark ambient de Lustmord et Illusion Of Safety, et l’autre comme sa contrepartie, travail d’électro mélodique, chantée, raffinée et onirique, peut-être l’imprégnation des partenaires de Von Magnet. Des apparitions sur scène donc, des projets de vie artistique à plusieurs où les médias se mêlent – c’était avant tout le but du festival Artooz qu’ils ont animé pendant quelques années à Limoges. Et maintenant grâce à Optical Sound une réunion de plusieurs morceaux, épars mais pourtant saisissants d’unité une fois assemblés. Longues pièces granulaires, elles ont toutes une délicatesse organique dans leur monde de vrombissement électronique, à mi-chemin dirait-on de leurs deux albums mais à l’évidence bien plus proche de l’abstraction du premier. La vie rythmique du deuxième a colonisé leur musique actuelle, sous forme de pulsations d’électro minimale : au cœur du réacteur commenterait Roger Rotor. C’est d’ailleurs Myiase et leur chorégraphie de la galène que le nouveau disque de Wild Shores évoque, et Pan Sonic aussi, dans leurs premières expressions de transition vers la pulsation sèche. Ce magma de rythme soutient de nombreuses épiphanies lumineuses, des naissances mélodiques qui sont si délicates à former et à mener à maturité (il est aussi question pour les musiciens de protoétoiles et la métaphore est équivalente). La première pièce est à cet égard exemplaire, elle occupe la moitié du disque et vit en symbiose avec le texte magnifique écrit et dit par l’écrivain comédien Marc-Henri Lamande. Rimbaud, Lautréamont, Breton résonnent dans sa poésie, formation et déambulation dans un monde et l’extraordinaire acuité sensorielle de celui qui le parcourt (douloureuse dans sa tentative d’appréhension, de situation) : couleurs, pierre, mer, ciel, grotte… « Toutes les routes avaient été jetées comme mercure sur ce lit de marbre, baves d’un escargot curieux et sommaire. Je marchais sur la croûte du monde, sur un couvercle où je sentais en profondeur des poches crevassées qui avaient conservé jalousement le bonheur. » La musique et le texte se nourrissent l’un l’autre : l’un puisant une scansion dans le pouls, l’autre se mouvant avec grâce comme quelque cétacé légendaire au contact des mots chamaniques. Un texte prométhéen, qui distribue les éclairs créateurs et défie la transcendance dans un même mouvement : « La musique est le ciel » dit Lamande, elle est aussi tout au long du disque une mer d’un bleu mélancolique, la mer est le ciel et le ventre pâle des poissons se confond avec la nappe synthétique à peine ondulée par le vent qui illumine le couvercle d’eau. Sur cette eau, des rides régulières troublent le miroir ; les méandres du cerveau n’ont-ils pas le même effet sur la mémoire ? Un bleu dense et fluctuant, pesant et libérateur dans le même temps, paradoxe de la nage en eau profonde, qui garde l’empreinte de cette création d’univers sur les autres morceaux, attestant sa connivence organique avec la dynamique du palpe. Sa lumière tamisée explore un intérieur, une résonance intime, réglée sur le plus primordial des systèmes d’ondes, une formule qui fait de cet album non seulement le meilleur de ceux de Wild Shores, mais qui force aussi à appeler un tel commentaire péremptoire : il s’agit de l’un des plus beaux disques entendus ces derniers mois.
D.B.
2008-03-15
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1/ Vous parlez de pièces ‘optophoniques’ à propos de vos réalisations multimédia, ce qui renvoie à un principe actif de transversalité et de pratiques multi-supports utilisant une technologie numérique très actuelle, mais ce qui s’inscrit aussi dans une certaine filiation artistique, celle du mouvement Fluxus, du futurisme, du piano optophonique de Vladimir Baranoff-Rossiné ou des rotoreliefs de Marcel Duchamp ? Où se situe exactement la démarche artistique de Wild Shores sur cette échelle de référence ?
à proximité de l’auto-école…
2/ On ressent dans votre travail une bonne maîtrise des concepts artistiques. Mais sur votre site, vous écrivez que vos compositions audiovisuelles, sorte de ‘célébrations d’expérimentations sensorielles’, sollicitent un ‘décodage instinctif, personnel et sans concept’ ? Craignez-vous qu’une trop grande théorisation de l’œuvre soit un obstacle pour le public, notamment quand vous évoquez la réaction des gens à partir de la ‘mémoire psychoactive primitive’ ?
Ce qui importe est de faire partager nos expériences.
Sans théorie, ni concept, et plutôt proche de l’art brut. Primitif.
Chacune de nos propositions audiovisuelles s’appuie sur une perception non ordinaire de l’espace et du temps ;
comme ce que ressent un voyageur au milieu d’une forêt vierge ou d’un désert … lost in translation …
3/ Wild Shores est une entité collective de trois individualités. A quand remonte la formation du groupe et comment a évolué le travail entre vous trois au fil des ans et des projets ?
4/ Comment procédez-vous dans votre travail de conception et de création audiovisuel ? Vous répartissez-vous les tâches ? Priorisez-vous la partie sonore sur la partie visuelle dans votre ‘process optophonique’ entre le son, l’image et la lumière, ou le travail entre ces différents supports est-il indissociable ?
Nous travaillons ensemble depuis 17 ans. Nous sommes tous les trois musiciens. Nous avons développé ensemble l’aspect visuel de notre travail.
Au cours des – mystérieux – processus de création, nous sommes trois personnes penchées sur la réalisation d’un mandala.
Equation tribale où chaque individu imprime instinctivement sa pulsation propre qui rejoint la roue rythmique.
Les pygmées Aka pratiquent la « roue rythmique », où chacun des membres de la tribu invente dès son plus jeune âge sa signature sonore.
Elle intègre et nourrit le chant collectif des cérémonies annuelles. Le rite est ainsi.
5/ Votre dernière performance, ‘La Calobra’, créé le 22 mai dernier au théâtre Expression de Limoges reprend ce principe d’approche, à la fois très scénique et technologique grâce à l’espace de diffusion optophonique imaginé pour la diffusion de l’œuvre, mais aussi poétique, voire philosophique, à travers la collaboration sur ce projet avec l’écrivain Laurent Burdelas et la poète Marie-Noëlle Agniau. Comment s’est donc articulé le travail autour de ce projet spécifique ?
A la lecture du texte proposé par Marie-Noëlle Agniau et Laurent Bourdelas, « La Calobra » dont le titre à lui seul amène une dimension vibratoire particulière, la charge des mots et le style littéraire ont enclenché des approches génératives et révélé des fréquences induites qu’il nous a simplement fallu autoriser.
6/ Peut-on dire que ce projet s’inscrit dans un travail autour de l’écriture, de la force des textes et des mots, qui semblent récurrents dans vos créations ? Je pense notamment à votre collaboration avec Marc-Henri Lamande autour de l’insurrection poétique de ses ‘Textes Tunisiens’ ?
Nous sommes un peu dérangés par le mot « insurrection », surtout en ce qui concerne les textes de MH. Pour revenir à la question première, ce n’est pas un travail autour de l’écriture mais avec. Nous aimons les mots qui nous aimantent, les étymologies qui nous déracinent, les signes qui ne montrent rien, les musiques qui ouvrent les yeux : « les mots the words las palabras sont des échantillons… des samples… just some samples », écrit-il simplement.
7/ Justement, à propos de cette création, Optophonia, comment avez-vous travaillé avec Marc-Henri Lamande ? Comment avez-vous organisé cette convergence audiovisuelle entre les textes désabusés, entre recherche du bonheur et description d’une souffrance humaine intimement révélé par cette terre tunisienne qui le tenaille, et ces images désincarnées de silhouettes phosphorescentes qui inondent l’écran de leur présence fantomatique ?
Un être qui a été abusé ne saurait être désabusé. Marc-Henri Lamande écrit. Il écrit pour jeter au loin et vous faire revenir très près, au plus près.
La seule souffrance est la peur de soi, du vide absolu de cet amour qui n’a besoin ni de talent, ni de critères, ni de rideaux.
Il n’y a aucune recherche du bonheur, ni description d’une quelconque souffrance humaine dans les Textes Tunisiens, ni dans quoi que ce soit écrit par MH.
Nos univers s’approchent.
Les silhouettes que vous qualifiez de fantomatiques, nous les percevons autrement, elles ont l’humilité de n’être que des danseurs.
8/ Vous attachez aussi une certaine importance à l’objet discographique. On a pu s’en apercevoir avec le cd/dvd Optophonia paru sur Optical Sound qui reprenait une captation de votre installation/performance …Est-il facile de retraduire votre univers optophonique et de le faire partager en-dehors de l’aspect live ?
L’objet discographique n’est pas une priorité pour nous. En 20 ans nous avons sorti 3 albums : « Instant Music », auto-produit,
« Homo Habilis », chez Last Call et « Optophonia » chez Optical Sound avec Pierrre Belouin.
Pierre n’avait pas vu l’installation et y a pourtant été sensible lorsque nous lui avons présenté le projet.
Ce cd signifie une rencontre.
La partie visuelle du cdrom est une série chronophotographique créée avec le séquenceur d’images « deep in slide » (Servovalve).
Dans la performance « Optophonia », cette suite séquentielle est projetée au sol sur une surface de pigments blancs.
Les effets de texture obtenus par ce support étant difficilement captables, le procédé chronophotographique nous a permis d’en proposer une variation possible.
Le premier titre de l’album est un enregistrement live réalisé par Def lors de cette performance.
9/ Toujours concernant Optophonia, vous avez également travaillé avec Servovalve qui a conçu un instrument génératif, la semuta, spécialement pour cette pièce. En quoi consiste t-il ?
« Semuta » est un des quelques instruments génératifs crées par Servovalve (www.servovalve.org/machines/machine_semuta.html).
Nous avons façonné pour « Optophonia » les 99 sons nécessaires au fonctionnement de la Semuta.
En effet, chaque projet nécessite une nouvelle banque de 99 samples originaux.
Une fois ce travail effectué, l’instrument produit des combinaisons harmoniques aléatoires,
nous laissant auditeurs respectueux de ce que la « machine » génère.
Les circuits intégrés prennent vie, une machinerie organique en mouvement.
10/ On a d’ailleurs l’impression qu’il y a tout un noyau d’artistes, un réseau de proximité, auquel appartiennent aussi Pierre Bélouin, Norscq, les Von Magnet, par exemple, autour de Wild Shores ?
Loins d’être le centre de ce noyau d’artistes, nous sommes des amis. Ces amis ont tous des centres dont nous nous inspirons. Entre les montagnes russes de ces inspirs-expirs circule l’émerveillement en pleine liberté. Les créations de Norscq, Servovalve, Von Magnet, Def,… sont autant d’étoiles dans un ciel sereinement marine et intouché où peuvent encore naître de fabuleux vaisseaux.
« We will never stop following this way ! »
11/ Vous avez présenté le 30 juillet dernier une Installation vidéo/sonore à Eymoutiers dans le cadre du festival ‘Souffleurs de Terre’, baptisée Gargantua, et qui s’inscrit dans la continuité d’une autre œuvre environnementale, réalisé en 1995, baptisé K1. Vous avez l’air assez attaché à votre région d’origine – on peut s’en apercevoir aussi à travers votre implication dans le festival Artooz – et à son cadre très ‘nature’ ?
Nous sommes surtout attachés à l’effervescence, au foisonnement.
Les dimensions intérieures/extérieures du monde sont des rivages sauvages, la campagne est l’espace régénérant où peut aussi régner le vide humain.
Le Limousin, comme bon nombre de régions vertes, est apte à inspirer des installations environnementales.
La plupart de nos travaux ont été présentés dans cette région.
Le projet Gargantua a été présenté à Eymoutiers pour la 5ème édition du festival d’été « Souffleurs de Terre »
sous forme d’une veillée multimedia où conversaient transmission orale numérique, micro-processeurs et hyperboles optophoniques
(dispositif intégrant la lecture par une synthèse vocale des
chapitres I à XXIV de Gargantua : naissance, jeunesse, éducation ).
12/ Votre travail s’applique d’ailleurs régulièrement à des conditions de diffusion extérieure, comme on s’en est aperçu lors de votre dispositif ‘aqualeidoscopique’ The Infinite Lullaby, présenté lors du festival Insomnies en juin dernier à la Maison d’art Bernard Anthonioz de Nogent sur Marne ?
La diffusion en extérieur est toujours une expérience unique.
Une « zone autonome temporaire » créée par l’espace qu’occupent son et image.
Le Festival Insomnies, orchestré par l’Entre Prise, présentait une
déambulation nocturne dans un parcours sonore, visuel, et sensoriel
qui nous a permis d’expérimenter pendant trois nuits, à la fois une
diffusion quadriphonique autour d’un arbre remarquable (un platane bicentenaire à
tronc multiple …) et également la projection sur un support végétal (l’ écorce) de séquences iconographiques animées.
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13/ Pour finir, un petit mot sur vos projets à venir ?
La sortie prochaine du cd » Illusion Of Movement » chez le label M-Tronic,
un album-archive des enregistrements réalisés lors des concerts
donnés entre 1997 et 1999.
Un second projet avec Optical Sound… bientôt.
Des créations en cours, informes et déjà familières pourtant,
qui se matérialiseront jour après jour aux rythmes des rencontres
et partages à venir.
virb.com/wild_shores
wild.shores.free.fr