Rainier Lericolais, Yriex.EP (OS.006)
co-production Optical Sound & FRAC Limousin 2003
Dans une époque où l’originalité et le libertinage lexical n’ont pas d’équivalent; il paraît presque improbable de trouver un musicien dont le ( vrai ) patronyme a tous les atours de la fantaisie et de l’imaginaire. De la forme au fond, il n’y a qu’un pas…
Rainier Lericolais à la noblesse d’âme des grands explorateurs passés, de Vasco de Gama à Christophe Colomb, cette même soif de découverte. Le prosélytisme en moins, peut-être. Car Rainier Lericolais est un nomade du son et de l’expérimentation : croisant les pratiques, initiant les modes, sa musique a le charme du nouveau monde tout en conservant la saveur d’antan. Elle fait autant appel à l’intellect qu’au domaine charnel. La raison et l’émotion rassemblées, en quelque sorte.
Sans y faire directement référence (quoi que), ce disque se découvre une âme sœur avec la perception personnelle de l’Autrichien Christian Fennesz. Une manière sensible d’interpréter son environnement et de ré échantillonner ses acquis. Une culture qui ici met en relief un récent voyage au japon, ayant servi dans la foulée de support à une exposition au FRAC de Yriex. Car avant d’être musicien, le jeune homme est plasticien et photographe. Mais la distinction est formelle puisque sa démarche artistique est similaire ; phonèmes et pixels vus comme matière brute au récit d’histoires, de contes modernes. Une exposition dont le prétexte musical est cet album, qui l’a également amené à photographier Christian Fennesz. On retrouve également sur ce disque son vieil acolyte et partenaire de glisse David Sanson qui pousse ici la chansonnette aux côtés de lili kim et d’autres prestataires talentueux de service. Un album original et sensible, prompt à établir une certaine anarchie dans nos sensations tout en apaisant le caractère profond de notre être. Très intéressant. (Jade Web)
« Moins d’un an après la publication du très convaincant Reader’s Digest sur le même label strasbourgeois (voir Octopus N°21), le pluridisciplinaire castelroussin d’origine, Rainier Lericolais (également peintre, photographe, sculpteur) publie Yrieix E.P., nouvel opus qui n’a d’EP que le titre.
S’il continue d’explorer savamment les mêmes pistes électroniques minimalistes où le sampling est omniprésent et s’impose comme mode de création, cet album semble correspondre au moment où Lericolais se pose une nouvelle question : celle de la « chanson », et plus largement de la présence de la voix – et de toute forme de texture vocale – dans ses travaux sonores.
Car, c’est une première, quasiment tous ces nouveaux morceaux laissent apparaître des intentions vocales à l’importance narrative indéniable.
Qu’il s’agisse de voix empruntées – samplées (chez Belle & Sebastian par exemple – ou enregistrées pour l’occasion (on y retrouvera That Summer ainsi qu’une anémique autant qu’énigmatique voix r’n’b), celles-cis structurent l’album et l’orientent vers un format plus « pop song » (même si les guillemets restent nécessaires pour l’instant), que de nombreux échantillons de guitares folks retravaillés ne font que confirmer.
Bande-son de sa nouvelle exposition au FRAC Limousin de Saint-Yrieix-la-Perche, Yrieix E.P. reste néanmoins un album d’electronica, plaisant et inventif à la fois, comme Rainier sait les composer.
Il se pourrait aussi qu’il apparaisse comme un disque de transition et que celui-ci amène son auteur à nous faire découvrir bientôt d’autres facettes, encore inconnues, de son singulier talent.
Franck Marguin
Octopus Nov 2003 / #25
RAINIER LERICOLAIS » Yrieix » (Optical Sound) 3/6
Le nom de Rainier Lericolais ne dira sûrement pas grand chose, même aux plus fervents amateurs d’electronica. Rien d’étonnant à cela, ce français est quelque peu plus » reconnu » dans le milieu des arts plastiques et contemporains. Cet » Yriex EP » de dix titres a d’ailleurs été réalisé à l’occasion de sa dernière exposition organisée du côté de Limoges où il présentait sculptures et installations. Mais ce parisien mène par ailleurs depuis quelques années un travail musical discret et patient, tout à fait digne d’intérêt. On retrouve sur cet album tous les gimmicks propres à l’electronica actuelle, collages numériques, disjonctions sonores, » clicks & cuts « , mais que Lericolais parvient aisément à transcender grâce à un joli sens de la poésie et de la mélancolie. Guitares sêches et baladeuses, pianos rêveurs, voix intimistes, sa pop désincarnée plonge l’auditeur dans un climat fragile et parfois bien étrange. Reste à préciser que cet album est édité sur un label tout aussi discret, Optical Sound. Un simple clic suffira aux amateurs à en savoir plus : www.zone51.com/opticalsound/. (JYL)
TRAX MAG Décembre 2003
Description
RAINIER LERICOLAIS – Yrieix E.P. (OS.006)
Quoi de commun entre Throbbing Gristle et Ennio Morricone, Ryoji Ikeda et Belle & Sebastian, Morton Feldman et les Rolling Stones, Astor Piazzolla et Simon Fisher-Turner ? Ils sont tous présents, dans l’esprit ou dans la lettre, sur cet Yrieix E.P., nouvel album du plasticien et « compositeur » Rainier Lericolais.
Les amateurs d’arts plastiques ont pu découvrir Rainier Lericolais et son travail (sculptures, installations, dessins, peintures, photographies…) à la FIAC ou dans les pages de l’hebdomadaire Aden. Quant aux fans de musique électronique, ils ont pu se familiariser avec son univers sonore au fil de plusieurs disques et d’iconoclastes interventions live. Tous, en tout cas, et bien d’autres encore on l’espère, risquent bel et bien de succomber à la puissance d’évocation de ce nouveau disque. Un disque fort et dense, au sujet duquel on emploierait volontiers l’expression de « coup de maître » si la notion de « maître » n’était pas l’une de celles que Rainier Lericolais n’a justement cessé de remettre en question dans ses recherches créatives. En effet, comme il le soulignait dans les pages d’Octopus, sa musique est le fait d’un non-instrumentiste, de « quelqu’un qui ne fait pas que de la musique » ; plutôt d’un artiste qui, à l’instar d’un Carsten Nicolai, chercherait à entremêler étroitement son propos visuel et sonore, s’attachant avant tout à la dimension plastique du son : « Le son est pour moi, avant tout, un dessin. » Pour composer ses morceaux, Rainier a recours à un unique instrument : l’ordinateur, qui, via la technique du Direct-to-Disk, lui permet de réaliser des albums constitués exclusivement de sources digitales – essentiellement des échantillons empruntés à des disques existants, mais aussi, à l’occasion, des fichiers son fournis par des musiciens amis – remarquablement rassemblées et retraitées.
Que personne ne se méprenne pour autant : la musique de Rainier est tout, sauf cérébrale et superficiellement distanciée. Avec un humour qui est la marque des vrais esprits libres (qu’ils se nomment Erik Satie, Marcel Duchamp, Mauricio Kagel ou Pascal Comelade), elle laisse s’exprimer une sensibilité qui est à la démesure de la culture musicale de son auteur. Au fil des 10 plages de cet Yrieix E.P., l’auditeur est irrésistiblement invité à naviguer au fil d’une succession d’ambiances d’une incroyable richesse : un univers où les guitares déstructurées, guidées par des voix masculines atypiques (morceaux n° 3 et n° 8), ont autant droit de cité que l’electronica dansante (n° 10) ; un univers dont le géniteur se paie même le luxe, au passage, de réinventer le R’n’B (n° 6) ou la musique « savante » (voir la plage 11, magistral et hypnotique montage de samples de piano qui réunit l’esprit de Liszt, de Ligeti et des minimalistes de tout poil, de Morton Feldman à Sylvain Chauveau).
Rainier Lericolais réussit avec ce disque le tour de force de proposer une musique expérimentale jamais aride, qui n’évacue à aucun moment la dimension sensuelle (en l’occurrence, mélodique) ; une suite de compositions à la fois anonymes (elles ne portent jamais de titres) et fortement personnelles ; une musique exclusivement numérique mais qui pourtant parvient à faire (re)produire une sensation organique. Yrieix E.P. est l’œuvre d’un artiste libre et mûr, d’un amoureux de musique selon lequel « il existe différentes façons de conserver un souvenir : les catalogues, les livres… Mais le disque est un moyen qui permet de se raconter ensuite d’autres souvenirs à partir d’une musique »…
Quoi de commun entre John Cage, Christian Fennesz, la pianiste Martha Argerich ou le chanteur Christophe ? Ils font tous partie de la série de peintures hommage que Rainier Lericolais consacre à des musiciens dans le cadre de son exposition au FRAC Limousin de Saint-Yrieix-la-Perche jusqu’au 15 novembre : une exposition personnelle dont le présent album constitue le pendant sonore.
(David Sanson pour la Revue Mouvement)